Par trois fois déjà depuis l'indépendance de Madagascar en 1960, des émeutes ont abouti au renversement du régime en place à Antananarivo. Les manifestations de rue qui ont causé la mort de dizaines de personnes depuis lundi 26 janvier vont-elles faire bégayer l'histoire de la Grande île ?
Telle est, à l'évidence, le dessein de Andry Rajoelina, 34 ans, le maire de la capitale malgache, ancien disc jockey aujourd'hui responsable de deux sociétés spécialisés dans l'affichage publicitaire. Dénonçant la "dictature" du président Ravalomanana, le maire a appelé aux rassemblements qui ont dégénéré en pillages et provoqué une répression. Il a déclaré prendre la tête d'une "transition démocratique" et affirmé vouloir organiser une élection présidentielle "dans deux ans maximum".
Le parallèle avec l'arrivée au pouvoir de l'actuel président malgache est frappant. En 2001, Marc Ravalomanana, lui-même chef d'entreprise, avait utilisé la mairie d'Antananarivo comme tremplin. S'appuyant sur le mécontentement populaire, il avait fini par être élu puis proclamé président au terme d'une longue crise où la rue avait pesé en sa faveur. Symbole de renouveau et d'efficacité, il a lancé une politique de privatisation et d'ouverture aux investisseurs étrangers marquée par de grands travaux.
Réélu en 2006, il est désormais accusé d'avoir confisqué le pouvoir au profit des sociétés qu'il dirige. Les manifestants semblent avoir visé en priorité les magasins Magro dont il est propriétaire. Vice-président d'une Eglise d'obédience protestante, promoteur d'une régression continue des libertés publique, il a perdu le soutien déterminant de l'Eglise catholique. Gérée dans l'opacité, la cession au conglomérat sud-coréen Daewoo Logistics de 1,3 million d'hectares de terres agricoles alimente la colère. Tout comme la hausse des prix sur une île dont 85 % des habitants vivent avec moins de 2 dollars par jour.
La France, ancien colonisateur, est d'autant plus embarrassée qu'elle a tardé à reconnaître la légitimité du président Ravalomanana. Au-delà des relations avec Paris, les émeutes de Madagascar posent surtout la question des rapports entre la population et le pouvoir, qui se dit démocratiquement élu. De son côté, M. Rajoelina ferait bien de défendre ses revendications par le dialogue avant d'utiliser la rue. Sauf à prendre la responsabilité d'un coup d'Etat aux conséquences plus que dommageables.
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