Le Zimbabwe bat désormais tous les mois un record : celui du plus haut taux d'inflation au monde. Ce mois-ci, une nouvelle étape vient d'être franchie, avec un taux qui frôle les 1 600 %. La colère gronde dans les rangs des fonctionnaires, les salariés les plus lésés par cette hausse vertigineuse des prix. Depuis janvier, les internes des hôpitaux sont en grève, rejoints par les médecins titulaires puis par les infirmières et, récemment, par les enseignants.
Les étudiants ont également manifesté, lundi 12 février, pour protester contre l'augmentation des frais d'inscription, passés de 60 000 à 560 000 dollars zimbabwéens. Une cinquantaine de jeunes, ainsi que quelques enseignants, ont été interpellés. Douze personnes étaient encore retenues, mercredi, par la police.
Malgré l'augmentation récente de 400 % du salaire de tous les agents de l'Etat, il est quasiment impossible de vivre avec les traitements versés. Le salaire mensuel d'un interne des hôpitaux suffit à peine pour faire un plein. Les fonctionnaires essaient tous de trouver une seconde source de revenus : petit commerce, cours particuliers ou travail au noir afin de subvenir aux besoins de leurs familles.
Dans les grandes villes, les infrastructures se dégradent, faute de pièces de rechange et de maintenance. Il y a eu des cas de choléra à Harare et plusieurs villes de province connaissent, comme la capitale, des coupures d'eau et d'électricité. Les services de santé manquent de matériel et de médicaments mais aussi de personnel, des centaines d'infirmières et des dizaines de médecins ayant fui le pays ces cinq dernières années, le plus souvent pour la Grande-Bretagne.
On estime qu'environ 4 millions de Zimbabwéens (sur 13 millions) ont émigré, les deux tiers vers l'Afrique du Sud voisine. Ils envoient régulièrement des devises étrangères qui, changées au marché noir, peuvent faire vivre des familles entières. Il existe même un site Internet où les expatriés peuvent faire leurs courses depuis Londres ou Johannesburg et demander la livraison à leur famille restée au pays.
Le président Robert Mugabe attribue la crise économique aux sanctions imposées par les Etats-Unis et l'Union européenne. Ces mesures ne touchent pourtant que les déplacements et les avoirs à l'étranger des caciques du régime. La crise a débuté à la fin des années 1990 et s'est aggravée après la réforme agraire qui a conduit à l'éviction de plus de 4 500 fermiers blancs. Les plus belles propriétés ont été attribuées à des proches de M. Mugabe. La production nationale de céréales s'est effondrée ainsi que celle des produits d'exportation comme le tabac, qui apportait des devises.
Alors que les Zimbabwéens luttent pour manger à leur faim ou envoyer leurs enfants à l'école, le parti de Robert Mugabe vient d'annoncer l'organisation d'une grande collecte pour l'anniversaire du président, qui fêtera la semaine prochaine ses 83 ans.
Sexe contre essence
Dans la province du Midlands, il existe une forme de prostitution atypique. Des femmes de cette région centrale du Zimbabwe échangent leurs faveurs contre de l’essence, et non contre de l’argent. Le phénomène serait nouveau, mais pas généralisé, si l’on en croit l’association des droits de l’homme Zim Rights. Des reportages en font toutefois état « dans le district de Mvuma, qui est une ville frontière entre les provinces de Midlands et Masvingo. Cela se passe le long de la route Beitbridge, qui va en Afrique du Sud », nous rapporte Zim Rights.
L’essence a prix d’or sur le marché noir
De nombreux camions passent en effet sur cette route et les routiers seraient une cible privilégiée. Cependant, « il est possible que quelqu’un qui soit prêt à céder de l’essence soit aussi client de ces travailleuses du sexe », souligne Zim Rights. « C’est vraiment alarmant que des femmes échangent du sexe contre des récipients de 20 litres de diesel ou de pétrole. Elles disent que c’est beaucoup plus rentable que d’être payé en liquide », confiait en novembre le porte-parole de la police, Costa Taduwa, au quotidien zimbabwéen Daily Mirror.
Il faut dire que la valeur du dollar zimbabwéen souffre depuis de nombreuses années d’une inflation galopante, tournant autour de 1 000%. Quant à l’essence, elle se fait rare dans le pays depuis de nombreuses années. Alors, même si le gouvernement a fixé le prix à la pompe à 300 dollars zimbabwéens (ZWD) le litre, soit 0,9 centimes d’euro, il est vendu environ 2 000 dollars ZWD le litre (environ six euros) dans les stations privées ou sur le marché noir, selon le journal Zim Observer.
La menace du sida
Du coup, certaines prostituées préfèrent être payées en nature et de nombreux automobilistes guettent les chauffeurs routiers. « Le long de la route Beitbridge et de toutes les routes du Zimbabwe, vous voyez des hommes avec des récipients qui attendent que les chauffeurs routiers leur vendent de l’essence », explique Zim Rights. Les automobilistes ne risquent rien, mais, pour les travailleuses du sexe, c’est une autre histoire. La prostitution est illégale au Zimbabwe et elles risquent d’être arrêtées pendant leur transaction. « Nous avons arrêté quelques coupables lors de nos raids réguliers à Fairfields et Chaka Business Centres qui ont confessé s’être engagées dans cette pratique », a expliqué Costa Taduwa.
Une récente étude sur la prostitution au Zimbabwe, menée par le Fonds des Nations Unies pour la population, ne fait pas mention d’échange de sexe contre de l’essence. En revanche, d’autres commodités sont « troquées » au point d’escale pour les chauffeurs routiers situé à la frontière avec l’Afrique du Sud. « A Ngundu Growth Point des travailleuses du sexe sont payées en nature par des resquilleurs d’Afrique du Sud ou des Zimbabwéens travaillant en Afrique du Sud et revenant au Zimbabwe pour voir des proches », selon deux employées de l’organe onusien ayant travaillé sur le terrain.
D’après l’article du Daily Mirror, la situation inquiète l’hôpital de Mvuma, qui estime que le taux d’infections sexuellement transmissibles a fortement augmenté à cause de la promiscuité et de la prostitution, surtout chez les jeunes. Gladys Takawira, infirmière en chef de l’établissement hospitalier, a confié au journal que le nombre de cas avait augmenté de 35% au cours des cinq derniers mois.