Wednesday, June 06, 2007

Le paradoxe Renault : La Bourse s'enflamme pour Renault malgré la chute de ses ventes

Combien vaut une prestation réussie de Carlos Ghosn, le président de Renault ? Réponse des marchés financiers : plus de 2 milliards d'euros. A l'issue d'une rencontre de quelques heures entre le dirigeant et une vingtaine d'investisseurs britanniques, vendredi 1er juin, l'action du constructeur automobile a bondi de 7,10 %, faisant grimper la capitalisation du constructeur automobile de 30 à 32 milliards d'euros, dépassant ainsi pour la première fois celle de l'allemand BMW.

Il y a un paradoxe Renault. Plus les résultats commerciaux sont médiocres et plus l'action va de record en record. Depuis le début de l'année, le titre du constructeur automobile a pris 24,59 %, à plus de 113 euros. De son côté, le CAC 40, a, lui, augmenté de 9,7 %.

Sur la même période, les ventes de véhicules du groupe Renault ont dégringolé mois après mois. En mai 2007, Renault a enregistré une nouvelle baisse de 9,6 %, après - 14 % en avril et - 13,6 % en mars ! L'année 2006 avait déjà été médiocre avec une chute des ventes mondiales de 4 %. Résultat : depuis 2002, Renault a perdu deux points de parts de marché, à 8,7 %.

Cette chute des ventes s'explique à la fois par une gamme vieillissante et par la nouvelle politique imposée par M. Ghosn : vendre moins mais avec une meilleure rentabilité. "C'est l'un de ses points forts : il a accepté d'avoir tous les mois un repli de ses ventes. La plupart des autres constructeurs qui avaient suivi cette stratégie n'ont pas tenu longtemps", souligne Emmanuel Bulle, expert chez l'agence de notation Fitch Ratings.

Cette déconfiture commerciale n'alarme pas pour autant les milieux financiers. Il y a manifestement un "effet Ghosn". "Son plan stratégique est plutôt rassurant malgré un effritement des parts de marché en Europe de l'Ouest qui pourrait être très inquiétant, s'il n'était pas endigué par l'arrivée de nouveaux modèles", estime Nicolas Baudouin, expert chez Standard & Poor's.

SPÉCULATIONS SUR LA PART DE L'ETAT

"Les investisseurs britanniques sont rapides et agressifs", constate Matthieu Bordeaux-Groult gérant chez Richelieu Finance après la prestation de M. Ghosn de vendredi. "Son discours est cohérent entre un langage marketing, économique et écologique", glisse, visiblement séduit, Philippe Barrier, de la Société générale.

M. Ghosn parvient à dissiper les doutes des investisseurs entretenus par la situation difficile que traverse actuellement Renault. La sérénité affichée par le dirigeant vise à démontrer que "tout est sous contrôle", note M. Barrier.

Le marché semble déjà tirer un trait sur le passé et donne tout crédit au futur sur la base de la stratégie annoncée par M. Ghosn dans son "Contrat Renault 2009". Du coup, l'action du constructeur est en train de rattraper une partie du retard accumulé depuis plusieurs mois : le titre a pris 20 % depuis le début de 2007 contre 30 % pour le secteur automobile. Les gérants, qui jusqu'ici privilégiaient l'action Nissan dans l'alliance, "font désormais des arbitrages en faveur de Renault", ajoute un gérant.

Mais cet emballement boursier soudain suscite des interrogations. "Les éléments communiqués ne font que confirmer ce que Renault avait déjà annoncé en 2006", rappelle Jacques Burlot chez Tocqueville Finance. En outre, "le plan prévoit des marges de l'ordre de 6 % que Renault n'a jamais atteint", s'inquiète M. Burlot.

Mais des éléments complémentaires permettent aux courtiers de miser sur la hausse de l'action Renault. D'une part, les mouvements récents opérés dans le secteur - la vente de Chrysler par Daimler au fonds Cerberus, la prise de participation de Porsche dans Volkswagen... - laissent présager toutes sortes de scénarios.

Certains spéculent par ailleurs sur la cession de la participation de l'Etat dans le groupe. Ces 15 % du capital sont évalués à 4,77 milliards. "Carlos Ghosn a dit en février 2006 que Renault pourrait racheter une partie de cette participation", ce qui ferait progresser le bénéfice par action, rappelle M. Barrier.

Pour trouver le montant nécessaire à cette opération, les analystes évoquent la vente partielle de sa participation de 44,4 % dans Nissan. Une décision qui paraît cependant peu probable car elle remettrait en cause le rapport de force entre les deux alliés. La vente des 20 % détenus dans Volvo, évalués à 7 milliards, semble beaucoup plus probable. Enfin, une autre hypothèse justifierait la hausse du titre : "Si l'Etat veut vendre, il va chercher des intermédiaires, et les établissements tentent de récupérer l'affaire en faisant monter le cours de Bourse", glisse un gérant.

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