Jamais un pape de l'époque moderne n'avait cité autant de sourates du Coran et parlé de "djihad".
A l'université de Ratisbonne, en Bavière orientale - où il a enseigné de 1969 à 1977 -, Benoît XVI a traité, mardi 12 septembre, devant un amphithéâtre comble de professeurs et de savants, des "maladies mortelles" de la religion et dénoncé la "guerre sainte", contraire à la lettre du Coran ("Il n'est nulle contrainte en religion"), et à la "nature même de Dieu".
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Un Jean Paul II recherchait le "dialogue" avec l'islam. Benoît XVI, lui, préfère la confrontation intellectuelle. Avec un brin de provocation : il a rappelé un épisode ayant opposé, au XIVe siècle, les empereurs chrétiens de Constantinople aux juristes musulmans. "Montrez-moi ce que Mahomet a apporté de nouveau. Vous ne trouverez que des choses mauvaises et inhumaines, comme le droit de défendre par l'épée la foi qu'il prêchait" : c'est une citation de l'empereur Manuel II Paléologue en 1391) mais, reprise par le pape, elle fait choc.
Un peu plus tôt, dans une homélie, il avait déjà mis en accusation l'intégrisme, cette "pathologie" de la religion, et "les destructions de l'image de Dieu provoquées par la haine et le fanatisme". Et souligné : "Il est important aujourd'hui de dire, avec clarté, en quel Dieu nous croyons et de professer, avec conviction, le visage humain de la religion."
Mais pour Benoît XVI, les maladies de la "raison" ne sont pas moins grandes et nourrissent même celles de la religion.
Il s'en prend à l'héritage des Lumières, qui conduit la science à rechercher "une explication du monde dans laquelle Dieu devient superflu". Mais, s'exclame-t-il, "les comptes n'y sont pas" !
Le rationalisme, le positivisme, la science ne répondent pas aux questions de l'homme sur son origine, sur le sens de sa vie et de sa mort. L'homme ne peut pas se résoudre à n'être qu'"un résultat accidentel de l'évolution". L'islamisme, le darwinisme, voilà les ennemis. Avec l'"athéisme moderne", que le pape met sur le compte d'une "peur de Dieu". Il renverse l'argument : "C'est Dieu qui nous sauve de la peur du monde et de l'angoisse de l'homme devant le vide de sa propre existence."
Le pape se fait l'avocat d'un christianisme qui, héritier à la fois de la loi juive et de la pensée grecque, retiendrait le meilleur de la religion - sa capacité à aimer - et le meilleur de la raison.
Pour lui, la foi est d'abord un appel à la responsabilité face au chaos du monde : "Tant de fragments de l'Histoire semblent privés de sens. Nous voulons qu'un jour soit rendu justice à tous ceux qui ont été condamnés injustement, à tous ceux qui ont souffert leur vie durant, et que décroisse l'excès d'injustices et de souffrances."
Etonnant retournement de la part d'un pape qui défend avec ardeur la "raison" pour lutter contre les "maladies" de la religion.
Et il lance un ultime avertissement à l'Occident handicapé, selon lui, dans l'actuelle confrontation entre les cultures : "Dans le monde occidental, l'opinion domine que seule la religion positiviste est universelle. Or, dans les cultures profondément religieuses d'aujourd'hui, l'exclusion de Dieu constitue une attaque de leurs plus intimes convictions."
Cette longue "leçon" à l'université de Ratisbonne a été reçue par des applaudissements nourris. Les témoins avaient retrouvé la passion du professeur Ratzinger pour débattre et convaincre.
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