Friday, August 11, 2006

Rébélion dans la région d'Itasy


Drame dans la région Itasy, hier. L'intervention des forces de l'ordre dans le cadre d'un litige foncier a dégénéré.
Bilan : trois morts, plusieurs blessés et 70 personnes arrêtées.

Trois personnes, dont deux policiers et un civil, ont été tuées lors d'un affrontement entre forces de l'ordre et villageois à Ankorondrano-Analavory, hier. Le brigadier Victorien, l'agent de police Razafimahatratra Derason Patrick et Rasaholiarisoa Clotilde, membre du fokontany ont trouvé la mort lors des échauffourées.
Les policiers ont succombé après avoir été battus par la foule, alors que Rasaholiarisoa Clotilde a reçu une balle dans la tête.
On compte plusieurs blessés, tant parmi les habitants d'Ankorondrano-Analavory que dans les rangs des policiers. Un agent de police grièvement blessé a été admis à l'hôpital Joseph Ravoahangy Andrianavalona, son état est considéré grave. Une dizaine d'autres blessés ont, eux, été dirigés vers le centre hospitalier de district (CHD)de Miarinarivo.
Soixante-dix personnes, dont trois femmes ont été arrêtées en fin d'après-midi. Richard Randriamanjato, présenté par les villageois comme le véritable chef de la résistance a pu échapper aux forces de l'ordre.

Tout a commencé par un litige foncier entre le propriétaire d’un terrain, d’une superficie de 172 hectares, et les villageois qui ont occupé les lieux pendant des décennies. Selon l’explication fournie par un responsable de la gendarmerie, le dernier héritier dudit terrain a fait un prêt bancaire et l’a hypothéqué. Malheureusement, il n’a pas pu rembourser l’emprunt et a dû laisser la terre au profit de la banque, la BTM de l’époque. Entre-temps, quelques familles ont occupé le terrain. Afin de récupérer son argent, la banque en question a proposé le terrain aux villageois, a raison de 100 Fmg le mètre carré, mais quelques meneurs auraient incité la population à décliner l’offre, sous prétexte qu’ils pourront s’approprier le tout sans payer un sesterce.

Néanmoins, Andry R. (APTR) s’est dit intéressé et l’a acheté. Quelques années plus tard, le nouveau propriétaire a voulu mettre en valeur sa propriété et a demandé aux occupants de vider les lieux, mais ces derniers ont carrément refusé, obligeant le propriétaire à porter l’affaire devant la Justice. A deux reprises, devant le Tribunal de première instance et la Cour d’appel, Andry R. a gagné gain de cause. Le 11 juillet, sur une décision du Tribunal, un ordre d’expulsion et de démolition sous 48 heures, a été signifié aux squatters. Ce qui n’a pas eu lieu, car, les occupants, conduits par quelques individus, ont refusé, se défendant bec et ongles.

Les habitants d'Ankorondrano-Analavory ont refusé d'obtempérer. Une épreuve de force opposant les villageois et les autorités dure depuis le 13 juillet quand un huissier de justice était venu exécuter l'ordre d'expulsion.
Hier matin vers 5h30, une cinquantaine d'éléments de la gendarmerie et de la police du district de Miarinarivo sont arrivés dans le village d'Ankorondrano. Ils étaient venus arrêter six présumés meneurs de la résistance.

A un moment, un membre du fokontany a sonné la cloche du temple du "Toby

Betela" pour, semble-t-il, avertir les villageois de l'arrivée des hommes en treillis. Il

a été aussitôt interpellé. Ce qui a provoqué la colère des habitants. Deux villageoises qui avaient tenté d'intervenir ont, elles aussi, été arrêtées.
Les habitants n'ont pas tardé à réagir. Ils ont lancé des pierres vers les policiers. Ces derniers ont, alors, décidé de se replier. C'est alors que deux membres des forces de l'ordre qui n'avaient pu rejoindre leurs collègues ont été battus à mort.
Leurs cadavres laissés dans les champs n'ont été récupérés qu'en fin d'après-midi par des membres des unités d'élite de la police nationale et de la gendarmerie venues en renfort. Plusieurs arrestations ont été effectuées. Toutefois, plusieurs meneurs ont pris la fuite dans les marécages et sur les collines avoisinantes.
Les habitants, eux, restent sur leur position de protestataires. Ils justifient même leur agissement. "Nous sommes obligés de protéger nos biens. Nous sommes installés à Ankorondrano depuis trente ans, donc nous allons résister même s'il y a effusion de sang", déclare Célestin Razafimahatratra, un ancien membre du comité du fokontany. Quant au président du fokontany, il a pris la fuite quelques jours auparavant. Il est accusé de trahison par les villageois.

Un différend de longue date
Le litige foncier d'Ankorondrano qui a fait trois morts lors de l'affrontement entre les forces de l'ordre et les villageois ne date pas d'hier. Le statut juridique du terrain de 172 ha, a provoqué une contestation malgré les décisions de justice.
Selon les occupants actuels, le terrain de la discorde appartenait auparavant à un colon réunionnais.
Cependant, ce dernier a fait un prêt auprès de la banque nationale BTM et a dû l'hypothéquer. N'étant pas en mesure de rembourser son créancier, il a quitté Analavory pour s'installer ailleurs. Le terrain a, plus tard, été cédé à un particulier .
Des villageois ont illicitement pris possession d'une grande partie, dans les années 70, sans que l'Etat les en ait empêchés. Près de 300 personnes occupent actuellement le terrain.
En 2001, la cour a tranché pour une première fois sur l'affaire. Résultat, l'actuel propriétaire, un opérateur économique, a eu gain de cause.
Une décision confirmée par la cour d'appel en septembre 2005. Une demande en cassation est en cours.

(Suite 1 en date du 14 août 2006)

Les habitants d'Ankorondrano-Analavory ont de quoi s'inquiéter. Les autorités procèderont à leur expulsion ce jour. Des maisons et même des temples seront rasés.

L'expulsion sera effective à partir d'aujourd'hui. Des éléments des forces de l'ordre seront envoyés à Ankorondrano-Analavory pour sécuriser les responsables chargés de l'exécution de la décision de justice.
Après les violents affrontements de vendredi entre villageois, d'un côté, policiers et gendarmes, de l'autre, dix-sept personnes sont en garde à vue à la gendarmerie de Miarinarivo. Les supposés meneurs de la résistance contre l'expropriation, eux, sont encore dans la nature. Par contre, un pasteur du Toby Betela, arrêté mardi- c'est-à-dire bien avant l'affrontement- comme présumé instigateur de la révolte paysanne, est placé sous mandat de dépôt.
L'état de santé du policier blessé par les villageois, au cours de la confrontation, reste critique. Il attend une intervention chirurgicale sur son lit d'hôpital à Ampefiloha. Le jeune paysan blessé par balles, quant à lui, a décidé de rentrer quelques heures après son admission dans le même établissement.

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