Assise tranquillement dans son fauteuil, sourire aux lèvres et enlaçant Kanto, son fils de deux ans, Mialy Seheno Rakotosolofo, a du mal à cacher sa satisfaction sur l’ensemble de sa carrière, toujours en quête d’évolution. Cadette d’une famille d’artistes, elle a des parents auteurs et écrivains très connus, deux frères et une soeur. Mariée à Daoud, un musicien, arrangeur et producteur, elle vit au cœur de Lyon (France) où elle tient sa propre boutique, «De soi en soie, Mialy Seheno».
Lydiary, sa mère, est poète et écrivain. Son père, Solofo José est un littéraire et un comédien dont la voix est reconnaissable entre toutes car il est un des personnages les plus connus du théâtre radiophonique de la RNM et d’autres stations radios privées.
Mialy Seheno est née le 25 octobre 1975, sous le signe du Scorpion. Comme tous ceux nés sous ce signe, elle a un caractère d’ambitieuse très déterminée qui la pousse à accomplir ses rêves les plus fous. Très vite, Mialy Seheno s’oriente vers l’art et se dote de tous les atouts pour réussir.
En 1988, elle s’inscrit au CGM Analakely et suit divers cours pour acquérir les techniques de base du dessin. Elle y apprend tout : peinture, bande dessinée, aquarelle, gouache, peinture à l’huile, peinture sur soie, pyrogravure, grattage… «J’aurai voulu faire de l’architecture aussi, mais finalement, je n’ai aucun regret car le stylisme modélisme est ce qui me plaît le plus», confie l’artiste.
Mialy Seheno aurait fait son temps de 1988 à 1992 et a même adhéré à l’association des amis plasticiens, aux côtés de grands artistes comme Richard Razafindrakoto. Elle a exposé ses œuvres à travers pas mal d’événements, où ses tableaux ont ravi le grand public.
«Kanto Mitafasiry», le tremplin de sa carrière
En 1996, Mialy Seheno crée, avec quelques amis artistes, un collectif qui s’appelait Rojo. Il s’agissait d’un ensemble de jeunes talentueux qui se sont regroupés en un seul plateau, «Kanto Mitafasiry». Deux spectacles les ont fait connaître, au CGM et à l’espace Habakabaka (l’ancien Le Bus Antanimena). C’était une représentation où toutes les disciplines artistiques se côtoyaient pour en faire un spectacle unique. Niry Sahondra et Jaona, deux poètes et écrivains ont assuré les textes, des poèmes déclamés par les autres membres dont sont issus des artistes bien connus actuellement comme Mika (bassiste) ou encore Pov.
Mialy y participe en tant que décoratrice et styliste, en lançant sa collection, le «jabo look», des pièces entièrement fabriquées avec du jabo, à l’époque, une matière qu’on aurait jamais cru utiliser pour en faire des vêtements. Mialy a été repérée par des opérateurs culturels et Madeleine Ramaholimiaso lui donne
l’opportunité de se produire en Afrique du Sud. En 1998, Mialy représenta le secteur vestimentaire en tant que styliste dans un festival consacré à Madagascar en France, le Festimad. Ce fut la première porte qui s’ouvre devant elle pour un avenir qu’elle a longtemps préparé.
Mialy devient Mialy Seheno, styliste créatrice
A 21 ans, Mialy Seheno se sent assez mature pour regarder son avenir en face. Elle veut devenir styliste créatrice professionnelle pour pouvoir vivre de son art, mais elle sait que la route est longue et sinueuse. «Le déclic s’est produit lors des jeux de la Francophonie qui se sont déroulés ici. Là, je me suis dit que j’allais être styliste» affirme la jeune femme.
Dès lors qu’elle a su ce qu’elle voulait faire de sa vie, Mialy a commencé à prospecter toutes les grandes écoles susceptibles de lui inculquer les formations nécessaires pour atteindre son objectif. En 1998, à 23 ans, elle s’envole pour la France et s’installe à Lyon où elle suivra deux années d’études en stylisme et en modélisme à la Sup de Mode.
Elle continue parallèlement à créer, et adhère aux associations locales qui lui permettront de participer à des concours et des rencontres entre stylistes. TLM, une chaîne locale a fait un reportage sur ces jeunes étudiants, en voyant déjà chez eux un avenir certain dans le secteur.
Mialy Seheno a également suivi un an d’étude à l’université Lumière, dans la section Art du spectacle et Lettres modernes. «J’ai abandonné au bout de la première année car j’ai cru qu’en m’inscrivant dans la photographie et le cinéma, j’allais être derrière la caméra à dire Action, mais les cours étaient trop théoriques, et on a surtout beaucoup appris sur l’histoire de l’art. Moi, je voulais du concret alors je me suis remise à créer».
Le grand virage de ses débuts date du 22 octobre 2000 lorsqu’elle a reçu le trophée Citroën, qui lui a permis de se faire connaître. Elle a alors obtenu un travail et a enfin été salariée. Plus tard, la boîte dans laquelle elle a travaillé
a fermé, alors Mialy a pris la grande décision de créer sa propre boîte, simplement dénommée «Mialy Seheno». Elle se met en règle avec la loi et s’inscrit à la chambre de commerce et des métiers de la région Rhône-Alpes. Aujourd’hui, Mialy Seheno dessine pour la marque de sportswear James 7.
De fil en aiguille, l’artiste tisse sa carrière
Mialy Seheno n’est pas arrivée là où elle en est en un clin d’œil. D’ailleurs, elle a dû passer par plusieurs étapes pour y parvenir, et ne se sent pas encore assez haut pour s’endormir sur ses lauriers. Comme son parcours, ses créations ont grandi petit à petit, en acquérant un peu plus d’expériences à chaque collection.
A ses débuts, Mialy a travaillé une matière assez surprenante car utilisée à d’autres fins, le jabo. Elle lance le «jabo look» et dessine quelques modèles qui seront exposés dans la galerie marchande du Hilton. Les esquisses étaient assez simples, le génie résidait à ce moment dans la manipulation de la matière.
D’abord, elle met en avant la soie de Madagascar en l’utilisant pour donner vie à ses créations. «Il ne faut pas se limiter dans la matière» explique-t-elle. Elle utilise alors différentes sortes de soie, de la soie sauvage à la soie de grande qualité. Aujourd’hui, elle mélange les matières et marie harmonieusement la soie avec d’autres tissus comme le cuir ou encore la fourrure. Mais ce n’est pas tout car elle utilise également la corne pour en faire des bijoux, ou encore les pierres précieuses de Madagascar.
«On peut tout faire dans l’art. Pour moi, il ne faut pas catégoriser et étiqueter les œuvres d’art, car il ne s’agit pas d’un produit scientifique et rationnel. C’est un moyen de véhiculer des émotions. Il n’y a pas de formule comme dans les mathématiques. Cependant, il y a des techniques de base à respecter» affirme l’artiste, expliquant ses choix dans sa création.
Ainsi, Mialy Seheno utilise tout ce qu’il y a autour d’elle pour en faire une pièce vestimentaire. «Je m’exprime de différentes manières, et pour cela, tout ce qui est autour de moi peut servir de matière à création. D’ailleurs, d’autres disciplines artistiques pourraient devenir matière à inspiration. C’est le cas des artistes plasticiens pour le body painting par exemple.» Elle ne se gêne pas non plus pour utiliser des matières qu’elle côtoie dans son quotidien à Lyon. C’est le cas du tafetas, ou encore de la soie de Lyon. Comme elle vit en France, elle n’est pas insensible aux matières telles que le cuir ou la fourrure.
Actuellement, on ne peut plus vraiment parler de vraie création, car ce sont les anciennes modes qui sont revisitées. «Dior et Galliano par exemple remettent au goût du jour la mode des années 30» affirme-t-elle. «Il n’y a pas de vraie création comme celle de Chanel pour les mini-jupes, car on a fait le tour des créations, il n’y a plus de révolution ni d’émancipation à faire. Dans les esquisses, on a presque les mêmes tracés. Quelques fois, lorsque j’assiste à des séances de stages et d’ateliers avec d’autres stylistes étrangers, on se retrouve avec les mêmes modèles. C’est normal ! mais la différence est toujours là car l’identité culturelle nous laisse un héritage qui nous permet de nous affirmer et de nous différencier. En somme, je pense que la création est culturelle, c’est pour ça qu’il est important de s’attacher à ses valeurs traditionnelles».
No comments:
Post a Comment