C’est la panique à Ambatovy. On craint que le permis d’opérer ne
soit remis de sitôt au projet alors qu’on pensait démarrer la production
et la commercialisation d’ici la fin de l’année.
Un « joro » (cérémonie rituelle avec sacrifice de zébus) a été
réalisé sur place le 21 juillet dernier pour bénir le projet. Cette
cérémonie est intervenue un mois après que le gouvernement ait décidé,
en conseil du gouvernement d’autoriser la mise en service. Le communiqué
du conseil le 19 juin 2012 indique notamment : « étant dûment constaté
que les visites et contrôles effectués ont été concluants,
l’autorisation de mise en service du projet Ambatovy à Toamasina a été
concédée ».
Pour le commun des
mortels, cette autorisation est un permis d’exploitation. Les
initiateurs du projet eux-mêmes devaient également penser que la
délivrance de ce fameux permis ne serait plus qu’une pure formalité. Ce
ne sera pourtant pas le cas.
Normal
donc qu’on panique. A preuve, c’est un dimanche que le projet a alerté
l’opinion en diffusant un communiqué indiquant qu’il est toujours en
attente de son permis d’opérer. En réalité, cette annonce fait suite à
la déclaration du ministre des Finances Hery Rajaonarimampianina à
Brickaville où il avait indiqué, jeudi dernier, que de nouvelles études
sur les impacts environnementaux et les retombées économiques et
sociales seront tenues sur le projet Ambatovy. En plus clair, le projet
sera suspendu à ces études.
Cette
déclaration va à l’encontre de la décision du conseil du gouvernement
du 19 juin dernier. Mais quand on pousse l’analyse, ce serait d’abord la
remise en cause de la ministre des Mines, son département étant chargé
des formalités techniques du dossier au niveau de l’Etat. Depuis son
séjour très controversé en Chine où elle et toute son équipe du
ministère ont été invités par la société Mainland qui est pointé du
doigt pour son exploitation de sables ilménites dans le sud-est, et son
voyage actuel en Australie où serait invitée par une société impliquée
dans le conflit relatif à l’exploitation du charbon de la Sakoa, de
fortes suspicions portent sur Daniella Randriafeno alors que c’est elle
qui devrait délivrer le permis d’opérer du projet Ambatovy.
Mais
au-delà de ce fait inter-gouvernemental, c’est peut-être le moment où
jamais pour l’Etat malgache de remettre en cause les conditions
financières d’exploitation d’Ambatovy. Selon la loi sur les grandes
mines qui a été votée sous Marc Ravalomanana, les investisseurs n’auront
en effet qu’à payer à l’Etat des redevances de 2 % sur l’exploitation
des ressources minières nationales. Ce n’est pas la faute aux canadiens
Sherritt et SNC-Lavalin, à la japonaise Sumitomo et au Coréen Korea
Resources Corporation de s’associer pour profiter de la grande braderie
que leur a offerte M. Ravalomanana.
Les
initiateurs du projet ont toujours fui tout débat sur le taux de
redevances en avançant le montant des investissements et les effets sur
l’économie en général. Mais si on dit qu’il s’agit du plus gros
investissement jamais réalisé à Madagascar avec un montant de 5,5
milliards de dollars, le communiqué du projet reconnaît que 2 400
milliards d’AR ont été consentis en marchés locaux, soit 20 % seulement
du total indiqué; tout le reste a été dépensé à l’étranger en machines,
matériaux, équipements... Quant aux retombées financières pour l’Etat,
des projections estimeraient à 37 milliards de dollars les ventes
cumulées de nickel et de cobalt au bout de 27 années d’exploitation
contre environ moins de 5 milliards de taxes et redevances pour l’Etat
malgache, soit l’équivalent de notre dette extérieure.
En
suspendant la délivrance du permis d’opérer, le régime de Transition
ferait ainsi pression sur le projet pour revoir les conditions
financières. Légalement, il est cependant impossible de revoir ces
conditions tant que des amendements ne sont pas portés sur la loi sur la
grande mine. A priori, one ne peut pas le faire car il s’agit d’une
grande décision que la feuille de route interdit de prendre. A fortiori,
cette loi n’est pas plus importante que les lois électorales et celles
sur l’amnistie qui ont été bien soumises par le gouvernement et votées
par le Parlement. On verra jusqu’où ira la pression du régime.
En
attendant, le projet Ambatovy n’entend visiblement pas rester les bras
croisés. Hier, il a diffusé un nouveau communiqué indiquant notamment qu
« Ambatovy n’a pas encore reçu officiellement le permis d’opérer qui
lui permettra d’entrer en production. Aussi, la Compagnie a pris la
décision de réduire les activités des contractants qui ne sont pas
directement liées à la finalisation de la mise en service et des essais
techniques de l’usine de Toamasina. Ambatovy a notifié ce jour ses
sous-traitants et fournisseurs d’une possible réduction future des
activités non-essentielles durant cette période d’achèvement de mise en
service et des essais techniques ».
Dans
les faits, cette annonce du consortium veut dire la fermeture de
nombreuses PME et donc la mise au chômage de milliers de gens même si le
projet lui-même « n’envisage pas (encore) de chômage technique des
employés pour l’instant dans la mesure où la Compagnie espère recevoir
le permis dans les meilleurs délais ».
Quoique
le projet dit ne pas vouloir entrer en conflit direct avec l’Etat en
soulignant à chaque fois qu’il poursuit son dialogue avec le
gouvernement, ce dernier verra d’un mauvais œil la perspective de
fermeture des PME qui vont se retourner contre le régime. Car que les
responsables d’Ambatovy le veuillent ou non, certains caciques du régime
y verront une tentative de manipulation contre lui. Le bras-de-fer
risque de se durcir.
Salomon Ravelontsalama
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