L’administration française du ministère de l'intérieur a une épine dans le pied depuis des années : les heures supplémentaires effectuées par les policiers. Aucun recensement précis et incontestable n'existe, mais on estime que le volume global, en sécurité publique, s'élèverait à 12 millions d'heures. Ce problème se pose de façon plus aiguë pour les officiers. A la suite de la réforme des corps et carrières, signée en juin 2004, ces derniers vont intégrer la catégorie A (cadres) de la fonction publique à compter du 1er janvier 2008. Mais avant cette date butoir, l'administration doit régler le passif accumulé ces dernières années.
Les deux syndicats des officiers, Synergie et le SNOP, dénoncent dès à présent les manoeuvres du ministère, qui n'aurait pas attendu le cycle de négociation - sur le point de s'ouvrir - pour avancer. "Régler le seul problème des heures supplémentaires ne m'intéresse pas, car il est posé de façon injuste, affirme Bruno Beschizza, secrétaire général de Synergie. Dans certains services, comme à la préfecture de police de Paris, beaucoup de fonctionnaires n'ont pas marqué leurs heures. Il faut aborder cette question dans le cadre d'une négociation globale, sur le régime indemnitaire. Mettons tout sur la table !"
La première difficulté, dans le débat qui s'engage chez les officiers, consiste à se mettre d'accord sur le nombre total d'heures supplémentaires. Selon l'administration, elles s'élevaient à 4 millions au 31 décembre 2006 et près de 5 millions aujourd'hui.
Le SNOP, lui, parle de "6 à 7 millions". "Le coût des heures supplémentaires dues aux officiers est de 68 millions d'euros, soit des milliers d'emplois pleins, affirme Dominique Achispon, secrétaire général du SNOP. C'est énorme ! Pour cette raison, nous proposons de rémunérer à un taux raisonnable - au moins 15-16 euros - les heures que les fonctionnaires veulent se faire payer, en sachant qu'ils n'en prendront qu'une partie en argent, le reste en épargne temps." Le ministère, lui, a travaillé sur une hypothèse d'environ 9 euros brut de l'heure.
Le SNOP appelle déjà à un rassemblement, le 14 juin, devant Bercy. Il y a quelques mois, il avait saisi le comité européen des droits sociaux (CEDS), qui dépend du Conseil de l'Europe. En mars, le CEDS lui a donné raison.
Depuis
Dans une note datée du 21 mai, le directeur général de la police nationale, Michel Gaudin, a demandé à chaque direction de procéder au recensement du nombre global d'heures supplémentaires avant le 15 juin. L'inspection générale de la police nationale (IGPN) devra alors "harmoniser" ces recensements, en appliquant "des coefficients de redressement multiplicateurs ou déflateurs".
Puis la direction de l'administration "procédera à un abattement sur les enveloppes définies par l'IGPN" et notifiera aux directions le nombre d'heures qui seront réellement récupérables ou payables. "Cet abattement est en cours de négociation avec les services du ministère des finances et devrait osciller autour de 40 %", précise M. Gaudin. En somme, 6 heures sur 10 en moyenne, seulement, seraient comptées.
Les modalités du règlement de ces heures seront établies après un accord avec les syndicats. L'administration penche en faveur d'une solution mixte, entre le paiement des heures et leur inscription sur un compte épargne retraite. Les syndicats sont aussi favorables à ce compte, qui permettrait d'anticiper le départ à la retraite d'un ou plusieurs trimestres.
Plus largement, dit-on au ministère, la question du temps de travail se pose au sein de la police. Une présence plus massive sur la voie publique aux heures les plus pénibles et les 35 heures doivent changer l'approche traditionnelle. Au lieu de payer en temps compensé le travail de nuit ou les jours fériés, comme le prévoit le système actuel, certains hauts responsables sont partisans d'une rémunération supérieure de ces heures. Ce dossier délicat servira de test pour Michèle Alliot-Marie dans ses rapports avec les syndicats de policiers.
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